Gérer les patiences et les oseilles (Rumex sp)
Le Rumex…L’une de ces « indésirables » qu’on ne souhaite pas voir dans sa prairie. Petit point sur eux, et leur gestion…
Les Rumex sont des plantes de la famille des Polygonacées, qui regroupent un nombre important d’espèces donc les oseilles sauvages. Les espèces les plus fréquemment présentes et « gênantes » dans nos prés sont le Rumex à feuilles obtuses (Rumex obtusifolius) et le Rumex crépu (Rumex crispus). Leur gestion est un véritable casse-tête. Un petit point sur leur utilité pour l’écosystème, les moyens de prévenir leur apparition et ceux permettant de les limiter ne me paraît donc pas inutile.
Tout d’abord, penchons-nous sur les capacités de reproduction des Rumex. Chaque individu peut, selon l’espèce à laquelle il appartient, produire plusieurs milliers à plusieurs dizaines de milliers de graines par an. Ces graines, très résistantes, passent sans dommage dans le système digestif des animaux qui les consomment et sont capables de perdurer plus de 80 ans dans le sol (ok on parle de 2% des semences, mais quand même !) … Autant dire que quand la banque de graines est là, il vous faudra certainement plus d’une vie pour l’user totalement. De plus, elles émettent des substances chimiques freinant la germination des espèces voisines.
Comme si tout cela ne suffisait pas encore, les Rumex sont capables de bouturer à partir de leur système racinaire. Soit, si vous décidez de bécher avec un outli autre qu'un fer à rumex qui permet d'enlever la racine en en laissant le moins possible en terre, elle reviendra probablement si vous avez le malheur de laisser une partie du système racinaire. En bref, les rumex sont de véritables machines de guerre.
Ils n'arrivent cependant pas dans la prairie par hasard. Leur racine pivotante a notamment pour fonction d'aérer un sol trop compacté. Avant de chercher à éradiquer la plante, il faudra comprendre les raisons de sa présence et agir à ce niveau en tout premier lieu.
Nous voilà donc devant un cas complexe. Comment gérer ?
Si les Rumex ne sont pas encore présents, on évitera le surpâturage, car ils adorent les sols compactés et l’ouverture dans le tapis végétal qui leur laisse toute la place de s’installer. On évitera de laisser les animaux pâturer l’herbe à moins de 5cm (pensez à faire des rotations de parcelles) de façon à éviter de voir les plantules de Rumex se développer dans les zones trop rases.
Si les Rumex sont présents de façon modérée. Il est impératif d’agir rapidement par l’un des moyens suivants ou mieux, en les combinant :
- Fauche mensuelle : elle permettra d’éviter la montée en graine et épuisera la plante.
- Arrachage manuel grâce à un outil spécial appelé fer à Rumex, qui permettra de laisser le moins de racines/rhyzomes dans le sol.
- Pâturage alterné ou mixte entre vos équins et des caprins : les caprins et les ovins consomment le Rumex, cependant les ovins en particulier en zone humide sont vecteurs de la Grande douve. On privilégiera donc les caprins, qui permettront de ralentir voir de faire régresser le développement des Rumex (par contre attention, un excès de consommation n’est pas bon pour les reins de nos biquettes, tout comme pour nos chevaux, en raison de l’acide oxalique contenu dans les Rumex).
Après plusieurs années de travail, un espace comportant une proportion raisonnable de rumex allant décroissant sera récupéré. Dans des cas vraiment extrêmes, un travail du sol sur plusieurs années avec notamment des faux semis appelé "cure anti rumex" peut permettre d’user la banque de graine et à terme de retrouver un fasciés prairial compatible avec la présence d’équidés. Cependant le résultat n'est pas garanti et la parcelle inutilisable pendant plusieurs années au bas mot.
Comme la majorité des problèmes de ce type, il doit être réglé en amont. On ne le dira jamais assez, mieux vaut prévenir que guérir.
Certains remarqueront peut être que je n’évoque pas la lutte chimique. Pour ceux qui suivent la page depuis longtemps vous savez ce que je pense des traitements aux phytosanitaires. Si je peux les concevoir dans le cadre de personnes qui doivent vivre de leur activité agricole (et ils sont nombreux aujourd’hui à se tourner vers des méthodes alternatives !), je pense que nous disposons de suffisamment de méthodes pour gérer nos parcelles en tant que gestionnaires sans avoir recours à ces méthodes. L’impact sur l’environnement, sur le sol, sur la santé animale (y compris les humains) sont suffisamment prouvés je pense pour que l’on préfère user d’huile de coude ;) Qui plus est, d’expérience je sais que le résultat n’est pas toujours au rendez-vous (voire pas du tout avec l’effet inverse…).
Pour finir, j’aimerais rappeler que les Rumex, s’ils nous dérangent, souvent parce que nous avons des prairies trop petites pour la charge de pâturage que nous leur imposons, sont, pour certaines espèces, indispensables à des espèces protégées sur nos territoires.
Le Cuivré des marais, pour l’exemple, est un petit papillon des zones humides. Les Rumex (Rumex hydrolappatum en particulier) sont son support de ponte. Alors comme habituellement, et même si je me répète, je vous invite à prendre en compte l’intérêt de chacune des espèces végétales que vous côtoyez pour l’écosystème avant de porter jugement.